Je ne suis pas la Seine
Y a pas de Verlaine
Ni d’Apollinaire
Pour me chanter
Ou à consoler
Les soirées d’hiver
Je ne fais pas mon lit
Dans le cœur de Paris
Dans toutes ses lumières
Je suis à la peine
Tous les chemins ne mènent
Pas toujours à la mer
Je n’ai pas de quais
Où viennent accoster
Les bateaux-mouches
Pas de clochards
Qui arrivent sur le tard
Qui près de moi se couchent
Pas d'île Saint-Louis
Ni de Tuileries
Ni de Notre-Dame
Pas de couples fameux
Ni de malheureux
Qui versent des larmes
Je ne suis pas la Seine
J’entends pas les sirènes
Des péniches qui passent
Je n’ai pas les honneurs
De la une et j’ai peur
Qu’un jour on me menace
Moi, j’ai mes amoureux
Des coins d’ombre pour eux
Des oiseaux sur les branches
J’ai mes faiseurs de rimes
Mes pêcheurs à la ligne
Mes peintres du dimanche
Je ne suis pas la Seine
Est-ce un manque de veine
Ou une bonne étoile?
Les Manet, les Monet
Ne peindront jamais
Mon portrait sur leurs toiles
Au 14 juillet
Ce n' sont pas les bouquets
De leurs feux d’artifice
Qui font briller mes yeux
Je n' joue pas à ces jeux
Je n’ai pas ces caprices
Je ne suis pas la Seine
Même si elle m’entraîne
À la fin de l’histoire
J' s’rai toujours anonyme
Rien qu’un peu d’eau qui rime
Avec «c'est trop tard»
Une petite rivière
Qu’a pas su y faire
Qui se jette en aval
Qui aura beau pleurer
Qui ne verra jamais
La belle capitale
Je ne suis pas la Seine
Inconnue des Verlaine
Et des Apollinaire
Les Monet, les Manet
Ne me peindront jamais
Mais qu’est-ce que ça peut faire
Je ne fais pas mon lit
Dans le cœur de Paris
Mais j’ai d’autres mystères
Je ne suis pas la Seine
Mais d’elle je me sers
Pour atteindre la mer